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ZEN

samedi 26 juillet 2014, par www.francejka.com

CONNAISSANCE DU JAPON par R. HABERSETZER
ZEN
BUDO MAGAZINE EUROPE.JUDO janvier 1971

[…] Le Zen (abréviation de zenna, mot japonais désignant le terme sanscrit dhyama, qui signifie concentration mentale, méditation sans objet intellectuel) est né en Inde au XIème siècle avant J.-C. sans doute sous l’influence du moine Bodhidharma (en japonais : Daruma), à l’origine adepte du Bouddhisme du Mahayama (doctrine du Grand Véhicule). On lui attribue d’ailleurs également l’origine du Kempo, ancêtre du Karaté (voir le « Guide Marabout du Karaté »). Mais alors que différentes formes de Bouddhisme atteignirent le Japon dès le VIème siècle, le Zen n’apparut qu’au XIIème siècle, en plein Moyen-Age nippon. Il est évident qu’il allait marquer profondément toute la féodalité japonaise, notamment la vie des Samouraïs, aspect que nous évoquerons plus loin. On le trouve également à l’origine du Bushido, rigide code d’honneur, dont l’influence marqua profondément le système social et moral de l’ancien Japon.

Le Guide Marabout du Karaté

Le Zen procède d’un état d’esprit propre à la mystique extrême-orientale qui prétend que l’homme peut, de son vivant, s’échapper de ce monde d’apparences et toucher à la vraie réalité. Dans cette optique, le corps n’est pas un obstacle, mais au contraire une aide pour réaliser cette ultime identité : en réalisant l’unité de son corps et de son esprit l’homme dépasse le dualisme de base (le bien et le mal, le positif et le négatif, etc.) et atteint le Grand Principe ; il s’agit du Tao de la métaphysique chinoise. Le Taoïsme appelle un tel homme un « homme transcendant » ou « l’homme universel ». Le but de cette quête spirituelle aussi vieille que les premiers penseurs d’Extrême-Orient est par une intuition mystique, de dépasser l’illusion, de réaliser l’union avec le Tao (l’ordre du monde) par delà le dualisme apparent de toute chose. Voilà ce que l’on appelle la « voie » (Do). Cela est symbolisé dans le T’aiki, diagramme où le Tao est représenté par un cercle englobant le Yin (force négative de la nature) et le Yang (force positive de la nature), chacun contenant une parcelle de l’autre puisque aucun n’est fondamentalement tranché de l’autre. Il s’établit alors une harmonie parfaite entre l’initié et le monde. L’initié voit le monde différemment, il voit clair en toutes choses, il EST, il VIT pleinement. […]

Les arts du Budo sont également un moyen de préparation à l’union corps-esprit (c’est ce que signifie le remplacement du suffixe « Jutsu », technique, par celui de « Do », voie), condition de base indispensable pour capter une vérité qui est toute proche de nous mais que nous ne pouvons percevoir, faute d’être tout entier au diapason ou, pour utiliser une autre image, sur la même longueur d’onde. Le corps doit apprendre une technique parfaite, quel que soit l’art martial pratiqué : le but est d’arriver à s’en rendre maître totalement jusque dans ses plus petites fibres ou cellules. Ainsi, il peut répondre à l’appel. Mais il faut également apprendre à maîtriser l’esprit et pour cela pouvoir disposer à tout moment d’une force mentale correctement canalisée, qui doit fuser comme un éclair, jaillir à l’instant même de la conception du stimulus. Rien ne doit faire effet de frein, ni inhibition, ni réflexion. Et pour que cette tension mentale puisse être totale, il ne faut penser qu’au résultat certain, avec une confiance absolue. Mais très vite l’esprit doit revenir à l’état de repos total. Il doit être libre de tout, ne s’attacher à rien, il ne doit pas se concentrer par avance sur l’action ; il ne doit pas se fixer sur un point précis, car il se troublera facilement si ce point entre en mouvement ; en essayant de saisir, il se trouble. Seul un mental libre est disponible à tout instant et permet de percevoir l’impulsion physique ou mentale la plus fine de l’adversaire. Ainsi le Budo n’est plus un exercice visant un résultat extérieur, mais uniquement une prise de conscience au fond de soi-même. A la limite il faut savoir oublier tout ce que l’on a longuement appris par cœur et laisser fuser ce qui semble venir naturellement. Il ne faut plus penser à la technique il ne faut plus vouloir car au stade ultime la volonté devient un obstacle ; il faut simplement être prêt à tout, c’est-à-dire à rien. Cette contradiction se traduit par « une attente sans but, mais dans un état de très haute tension ». Cela veut dire que le corps est à la fois détendu et éveillé (zanshin). Celui qui a résolu au tréfonds de son être et non pas par un raisonnement toujours superficiel, ainsi que le veut le Zen, cette incompatibilité apparente (se dépouiller intentionnellement de toute intention…) est prêt à la grande aventure. Corps et esprit sont alors en accord parfait. Alors, dans le feu de l’action, au cours d’un combat « vécu », l’étincelle peut jaillir et donner une nouvelle dimension, une efficacité inconnue de l’homme. Il se réalise pleinement dans l’action et ce qu’il fait est parfait. L’efficacité provient de ce que l’homme n’est plus seulement un être pensant. En plaçant l’intuition au-dessus de la raison les Orientaux ont redécouvert ce qui disparaissait avec le développement de la conscience de l’homme. Les chemins apparemment aussi opposés que la violence de l’art martial et la non-violence du Bouddhisme originel (ahimsa) sont en réalité convergente. Seul reste commun le vide de l’esprit (mushin). Les techniques pour provoquer l’éblouissement final peuvent être la pratique d’un art martial, la méditation, le mondo, le koan ou même un événement tout à fait banal de la vie de tous les jours ; celui-ci n’a d’ailleurs l’apparence de l’insignifiant que pour un esprit « plein », où il n’y a plus de place pour une révélation aussi simple.

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Patrice MOKO

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